La retraite anticipée pour les personnes en situation de handicap est un dispositif qui, bien qu’exigeant, reflète une volonté de justice sociale. Il permet de tenir compte des parcours professionnels souvent fragmentés ou contraints de ces assurés.
Toutefois, accéder à ce droit nécessite de remplir des critères précis.
Explorons ensemble les conditions d’ouverture de ce droit, le calcul de la pension et les démarches administratives indispensables.
I. Les conditions pour bénéficier de la retraite anticipée pour assurés handicapés
L’accès à la retraite anticipée pour les assurés en situation de handicap repose sur trois critères principaux : la reconnaissance du handicap, un âge minimum réduit et une durée de cotisation suffisante.
A. La reconnaissance administrative du handicap
Pour être éligible à la retraite anticipée, il faut pouvoir justifier d'une situation de handicap reconnue administrativement. Cette reconnaissance peut se faire par différents moyens :
L’existence d’un taux d'incapacité permanente d'au moins 50%.
L’existence d’un handicap équivalent.
Pour la période courant de l’année 2010 à l’année 2016, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est suffisante.
Pour prouver votre situation, il est nécessaire de fournir certains documents attestant de la reconnaissance administrative du handicap.
En cas de lacunes dans les documents présentés ou en l'absence de ceux-ci, il est possible de saisir une commission ad’hoc placée au côté de la CNAV afin de faire valider les périodes manquantes. Toutefois, cette validation est limitée à 30% de la durée d’assurance requise (https://www.lehouerou-avocat.com/post/comment-b%C3%A9n%C3%A9ficier-d-une-retraite-anticip%C3%A9e-handicap-sans-l-int%C3%A9gralit%C3%A9-des-justificatifs).
B. L'âge réduit pour le départ à la retraite anticipée
La retraite anticipée pour les personnes handicapées organise un abaissement de l’âge de départ par rapport à l’âge légal, qui est actuellement fixé à 64 ans.
L’âge de départ anticipé est ainsi fixé à 55 ans pour les assurés handicapés, soit neuf ans avant l’âge de départ standard.
Toutefois, la condition de durée de cotisation diffère en fonction de l'âge de départ envisagé.
C. La durée de cotisation requise
Outre la reconnaissance du handicap et la condition d’âge, il est nécessaire de justifier d’une durée de cotisation suffisante à l’assurance vieillesse. Cette durée varie en fonction de l’année de naissance de l’assuré.
Notez qu'il existe une distinction entre la durée d’assurance cotisée et la durée totale d’assurance. La durée cotisée fait référence aux périodes pendant lesquelles des cotisations ont été versées de manière obligatoire, tandis que la durée totale d’assurance inclut également des périodes assimilées (comme la maladie, le chômage indemnisé, etc.).
Depuis la réforme de 2023, il n’est plus nécessaire de remplir la condition de durée totale d’assurance pour bénéficier de la retraite anticipée. Il suffit désormais de justifier d’une durée de cotisation suffisante.
Il est également important de noter que la condition de handicap doit être respectée durant toute la période de cotisation nécessaire. Autrement dit, le handicap doit être concomitant aux périodes de cotisation.
Typiquement, cela signifie qu’un handicap acquis dans les dernières années précédant le départ à la retraite ne permettra pas d’obtenir une durée d’assurance cotisée suffisante pour bénéficier du régime de retraite anticipé pour assurés en situation de handicap ; et ce, quand bien même l’assuré aurait cotisé pendant de nombreuses années à l’assurance vieillesse avant l’apparition du handicap.
D. Tableau récapitulatif
Voici à titre d’exemple les conditions à remplir pour les assurés en situation de handicap reconnu administrativement et nés à compter du 1er janvier 1964 :
Année de naissance | Âge de départ à la retraite | Durée cotisée en trimestres |
Assurés nés en 1964, 1965, 1966 | 55 ans | 109 trimestres |
56 ans | 99 trimestres | |
57 ans | 89 trimestres | |
58 ans | 79 trimestres | |
À partir de 59 ans | 69 trimestres | |
Assurés nés en 1967, 1968, 1969 | 55 ans | 110 trimestres |
56 ans | 100 trimestres | |
57 ans | 90 trimestres | |
58 ans | 80 trimestres | |
À partir de 59 ans | 70 trimestres | |
Assurés nés en 1970, 1971 et 1972 | 55 ans | 111 trimestres |
56 ans | 101 trimestres | |
57 ans | 91 trimestres | |
58 ans | 81 trimestres | |
À partir de 59 ans | 71 trimestres | |
Assurés nés à partir du 1er janvier 1973 | 55 ans | 112 trimestres |
56 ans | 102 trimestres | |
57 ans | 92 trimestres | |
58 ans | 82 trimestres | |
À partir de 59 ans | 72 trimestres |
Globalement, la logique appliquée est la suivante : pour déterminer le nombre de trimestres cotisés requis, il est déduit de la durée d’assurance requise dans le cadre du régime de base une durée d’assurance cotisée évoluant en fonction de l’année de naissance.
Ces durées d’assurance cotisées sont fixées par l’article D.351-1-5 du Code de la Sécurité Sociale.
II. Le calcul de la pension de retraite anticipée
En principe, le calcul de la pension suit les règles de droit commun. Il convient de noter que, dans le cadre de ce régime particulier, le taux de liquidation est fixé à 50%, même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise dans le cadre du régime général.
Toutefois, les personnes en situation de handicap sont souvent confrontées à des difficultés sur le marché de l’emploi et, conséquemment, font face à de nombreux obstacles pour obtenir un parcours professionnel complet et continu. De ce fait, il est difficile, voire impossible, d’obtenir la durée d’assurance requise nécessaire à l’obtention d’une pension pleine selon la méthode de calcul de droit commun (indépendamment du taux de liquidation qui n'est qu'une composante, parmi d'autres, du calcul de la pension de retraite - à ce sujet, voir l'article suivant Les principes généraux de la liquidation de la retraite : comprendre pour mieux anticiper.
C’est pourquoi, afin de pallier les effets de la minoration du montant de la pension, il est prévu un mécanisme de majoration dudit montant. Cette majoration est automatiquement accordée aux assurés handicapés bénéficiaires d’une retraite anticipée qui ne remplissent pas les conditions de durée d’assurance requise pour obtenir une pension entière.
III. Le point de départ du versement de la pension de retraite
Le point de départ de la pension est fixé conformément aux règles de droit commun. Ainsi, l’assuré doit indiquer la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension et cette date est nécessairement le premier jour d’un mois qui ne peut être antérieur au dépôt de la demande. Si l’assuré n’indique pas la date d’entrée en jouissance, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la Caisse de retraite chargée de la liquidation du droit.
En revanche, et naturellement, la date d’effet ne peut être fixée à une date antérieure à la date à laquelle les conditions d’ouverture du droit à retraite anticipée sont remplies et à une date antérieure au premier jour du mois qui suit le 55ème anniversaire de l’assuré.
IV. Comment solliciter la liquidation de sa retraite ?
En principe, il appartient à l’assuré de solliciter l’étude préalable de son droit à la retraite anticipée pour assurés handicapés à la Caisse dont il dépend. Cette étude consiste à vérifier que l’assuré remplit les conditions de liquidation de la retraite.
Pour ce faire, l’assuré doit compléter un formulaire CERFA de demande d’attestation de départ en retraite anticipée des assurés handicapés et le transmettre à sa Caisse de retraite.
Si les conditions sont remplies, la Caisse de retraite adresse alors une attestation « retraite anticipée assurés handicapés droit ouvert ». Dans le même temps, il est adressé à l’assuré le formulaire de demande de retraite spécifique à ce régime ainsi qu’une évaluation de la retraite.
Après réception de l’attestation et du formulaire réglementaire CERFA intitulé « Demande unique de retraite anticipée de base pour les assurés handicapés », il appartient à l’assuré de compléter ce dernier, puis de le réadresser à sa Caisse.
Dans l’hypothèse où l’assuré transmet directement et de sa propre initiative le formulaire de demande de liquidation de retraite, sans avoir sollicité l’étude de ses droits préalablement, cette étude sera réalisée à partir du formulaire précité.
Nous espérons que cet article contribuera à clarifier certains aspects du calcul de la pension de retraite. Dans les prochains mois, d'autres articles seront publiés afin d'explorer d'autres régimes spécifiques.
Me Marc Le Houerou
Avocat au Barreau de Toulouse
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