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La faute inexcusable #2 : combattre le fardeau de la preuve grâce à l'enquête de la CARSAT

Photo du rédacteur: Me Le HouerouMe Le Houerou

Les Caisses d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail (CARSAT) jouent un rôle crucial en matière de santé au travail.
 
Au-delà des questions portant sur le calcul des taux de cotisation AT/MP, les missions confiées aux Caisses par le législateur peuvent être d’une aide précieuse dans le cadre de contentieux en faute inexcusable.
 
L’affaire ayant donné lieu au jugement du 30 avril 2024 rendu par le Tribunal Judiciaire Pôle Social de Toulouse en donne une parfaite illustration.

 

  • Les faits :


Dans cette affaire, notre client occupait un poste de carrossier-mécanicien au sein d’un garage automobile.

 

Il a été victime de brûlures d’origine chimique provoquées par un diluant inflammable, ce diluant ayant pris feu alors qu’une étincelle, projetée par la découpe d’un élément métallique à l’aide d’une disqueuse thermique, entrait en son contact.

 

En essayant d’éteindre l’incendie sans extincteur (l’entreprise n’en étant pas pourvue), les flammes se sont propagées sur son corps.

 

Brûlé au 3ème degré sur un tiers de sa surface corporelle, la victime est tombée dans le coma et a été transportée à l’hôpital.

 

  • La problématique juridique posée par le dossier :


En matière de faute inexcusable, la charge de la preuve repose en principe sur le salarié. Il doit démontrer deux éléments :

 

  • Que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque.

  • Que malgré cette conscience, il n’a pas pris les mesures préventives adéquates pour éviter la survenance du risque (ou réduire les effets du risque si celui-ci est inévitable).

 

Or, dans ce dossier, notre client ne disposait d’aucune pièce particulière permettant de démontrer ces deux conditions.

 

Sans élément probant, et dans la mesure où la charge de la preuve lui incombait, il ne pouvait que succomber dans ses prétentions.

 

C’est ici que la CARSAT Midi-Pyrénées intervient.

 

En application des articles L.422-3 et L.455-2 du Code de la Sécurité Sociale, la Caisse dispose d’un pouvoir d’enquête auprès des employeurs dont elle fait parfois usage dans le cadre des accidents les plus graves.

 

Nous avons donc sollicité la communication de ladite enquête auprès de la Caisse qui nous l’a communiqué sans difficulté.

 

Attention, il est extrêmement rare que la victime soit informée de la réalisation de cette enquête. Il convient donc de prendre l’initiative d’en demander le résultat (d’autant plus que la transmission du rapport d’enquête est subordonnée, par la loi, à une demande expresse formulée par l’employeur ou la victime). Dans le doute, il convient toujours d’essayer !

 

Cette enquête constitue, finalement, la pièce maîtresse du dossier.

 

  • La faute inexcusable de l’employeur :


Au cours de l’enquête précitée, l’enquêteur assermenté concluait notamment que l’employeur:

 

  • N’avait réalisé aucune évaluation des risques professionnels, et en conséquence aucune évaluation des risques chimiques.

 

  • N’avait pas respecté les règles élémentaires de prudence en matière d’organisation de l’atelier, les produits inflammables étant stockés à proximité des zones de travail.

 

  • N’avait pris aucune mesure particulière de prévention contre les risques chimiques et/ou les risques d’incendie.

 

Au regard de ces conclusions, le Tribunal retenait la faute inexcusable de l’employeur, précisant que l’employeur « ne fournit aucun élément de nature à établir que celle-ci – la Société – avait évalué les risques professionnels, pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du salarié et l’avait formé sur les risques auxquels il pouvait être exposé ».

 

Ainsi, notre client bénéficie d’une majoration de rente d’incapacité, son taux ayant été fixé à 39% (pour plus d'information sur le taux d'incapacité: https://www.lehouerou-avocat.com/post/tauxipp et https://www.lehouerou-avocat.com/post/contestertauxipp.)


Pour le reste des préjudices, une expertise médicale a été ordonnée afin de les évaluer.

 


 

Dans cette affaire, l’enquête réalisée par la CARSAT a été précieuse pour établir la faute inexcusable de l’employeur. Cependant, il ne faut pas oublier que l’Inspection du travail ou les représentants du personnel peuvent également réaliser des enquêtes tout aussi importantes ; ce qui fera l’objet d’autres articles.

 

Me Marc Le Houerou

Avocat au Barreau de Toulouse



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