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  • Photo du rédacteurMe Le Houerou

L’usage de la contention dans le secteur médico-social n'est pas autorisé !

Le Défenseur des droits a récemment publié un rapport sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD. Ce rapport dresse un tableau sévère, mais réaliste, de la situation des personnes accueillies dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Il est notamment relevé « que les comportements adoptés pendant l’accompagnement quotidien du résident négligent ces droits fondamentaux ».


L’occasion pour nous de revenir sur l’une des problématiques majeures : la contention dans le secteur médico-social.


La liberté d’aller et de venir est une liberté fondamentale consacrée par les conventions internationales comme par le bloc de constitutionnalité.


Dès lors qu’il s’agit d’une liberté fondamentale, celle-ci ne pourrait être entravée qu’en cas de stricte nécessité et de manière adaptée et proportionnée.


Surtout, seule la loi pourrait instituer un régime de privation de la liberté d’aller et de venir dans le secteur médico-social. Celle-ci devrait, le cas échéant, impérativement prévoir l’intervention du juge judiciaire, garant des libertés individuelles en application de l’article 66 de la Constitution.


La contention apparait comme l’ultime mesure de coercition dans la mesure où il s’agit de limiter les capacités de mouvement du corps dans sa quasi-intégralité ; là où, par exemple, l’isolement vise à limiter l’espace de liberté dans lequel la personne peut se mouvoir.


Dans ses recommandations de bonnes pratiques publiées en 2017, la Haute Autorité de Santé estimait que la contention ne pouvait être indiquée que de manière exceptionnelle, en dernier recours, afin de prévenir une violence imminente du patient ou afin de répondre à une violence immédiate. Cette « violence » doit être non maitrisable, sous-tendue par des troubles mentaux, et provoquer un risque grave pour l’intégrité du patient ou celle d’autrui.


En France, les mesures de contention ne sont autorisées que dans le domaine de la psychiatrie et dans le cadre du régime institué par l’article L3222-5-1 du Code de la Santé Publique (l’article est compris dans le livre II relatif à la « lutte contre les maladies mentales » et dans son chapitre II du titre II : « établissements de santé chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement ».)


Par décision du 19 juin 2020, le Conseil Constitutionnel déclarait le dispositif de l’isolement et de la contention en psychiatrie (tel qu’il était institué par la loi n°2016-41) contraire à la Constitution dès lors que ces mesures constituées une privation de liberté et que l’intervention du juge judiciaire n’était nullement prévue par l’article L3222-5-1 précité.


Le Conseil constitutionnel précisait notamment :


« La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible.


Or, si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n'a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles au-delà d'une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire.


Il s'ensuit qu'aucune disposition législative ne soumet le maintien à l'isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l'article 66 de la Constitution. »


Dans cet extrait, le Conseil constitutionnel relevait deux séries d’éléments :


- D’abord, il considère que le législateur a institué un régime qui permettrait de s’assurer que l’isolement et la contention ne puissent intervenir qu’en cas de nécessité et de manière adaptée et proportionnée (dernier recours, intervention d’un psychiatre, limitation dans le temps de la mesure).


- Ensuite, il considère que le respect de ce triptyque (nécessité, adaptation, proportionnalité) n’est pas suffisant dans la mesure où la sauvegarde de la liberté individuelle impose l’intervention du juge judiciaire dans le plus court délai possible.


Au regard de ces conditions, il peut être aisément déduit, à notre sens, que toutes mesures de contention qui interviendraient en dehors du secteur psychiatrique, en dehors d’un régime juridique garantissant la nécessité, l’adaptation et la proportionnalité de la mesure et hors de toute intervention du juge judiciaire serait contraire à la constitution.


Or, et précisément, aucun texte ne permet de recourir à la contention dans le secteur médico-social.


La contention, comme l’isolement, n’est donc pas autorisée au sein de ce secteur ; de sorte que tout recours à ce type de mesure entraine une violation de la liberté d’aller et de venir.


Pourtant, le Défenseur des droits relève que la « pratique de la contention physique (…) et médicamenteuse (…) est répandue en EHPAD sur tout le territoire. Elle est notamment utilisée pour pallier le manque de personnel ou encore l’inadaptation de l’établissement à l’état de la personne. Le recours aux moyens de contention peut ainsi avoir pour simple origine des installations qui ne sont pas suffisamment sécurisées ou adaptées aux besoins du résident. De plus, le recours aux mesures de contention au sein de ces établissements est laissé à la libre appréciation des équipes. Il peut ainsi s’effectuer sans analyse de la proportionnalité, sans prescription médicale, sans limite dans le temps et sans être tracé ».


Autant de situations parfaitement contestables au regard de la nécessité de garantir les libertés fondamentales des personnes en situation de vulnérabilité.


Me Marc Le Houerou

Avocat au Barreau de Toulouse

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